Suite à son discours tenu à la Convention de la droite, la société des journalistes du Figaro a une nouvelle fois profité de l’occasion pour dénoncer Eric Zemmour à sa direction afin de faire pression pour le licencier. Une situation qui rappelle celle de nombreux militants identitaires qui ont perdu leur travail pour leur engagement, le plus souvent à la suite de dénonciations de collègues.
La dénonciation est étrangère à notre culture populaire
Ce phénomène révèle l’un des nombreux bouleversements sociétaux de notre époque. Dans une société autrefois emplie de culture chrétienne (le Christ a été dénoncé), dénoncer était d’abord un signe d’infamie. La langue française a d’ailleurs jugé sans appel ce comportement par de nombreux synonymes : balance, cafard, corbeau, mouchard, donneur… autant de mots péjoratifs issus de notre culture populaire et marquant le dénonciateur du sceau de l’ignominie.
En allant plus loin, ce sont même les gardes et les espions dans leur ensemble qui étaient déconsidérés. Qu’on en juge : pas un seul de nos chants populaires ne fait l’éloge de celui qui flique, espionne ou dénonce. Au coin du feu, nos jeunes scouts chantent les exploits de forbans, de bandits d’honneur, de corsaires et de soldats. Ce n’est que très récemment, essentiellement grâce aux films et aux séries, que des figures jadis déconsidérées ont été réhabilitées.
La dénonciation est un outil de la gauche morale
Mais la gauche n’est pas non plus étrangère à ce renversement : jouissant de sa posture morale, elle use et abuse de la dénonciation. Et voilà l’autrefois infâme dénonciateur aujourd’hui paré de toutes les vertus. Un constat valide depuis des décennies, mais qui trouve encore plus d’échos à l’heure des réseaux sociaux. La Dilcrah et l’armée virtuelle des « social justice warriors » auraient tort de se priver de ce moyen de pression puisqu’il fonctionne à plein régime sur des entreprises apeurées à la moindre éventualité de voir leur réputation salie.
Un chef d’entreprise n’a pourtant objectivement aucun intérêt à salarier des mouchards dénonçant leurs collègues en raison de leurs idées et de leurs activités extra-professionnelles. Valider cette pratique, c’est créer un climat et une ambiance de travail délétères mêlant méfiance, malaise et suspicion. Une atmosphère détestable contraire au « développement personnel » et à « l’esprit d’équipe », pour reprendre des termes chers au monde managérial. Pour cette simple raison, un employeur d’abord soucieux de l’intérêt de son entreprise ne devrait pas convoquer le dénoncé, mais le dénonciateur.
La dénonciation ne survivra pas au temps long
Face à ce phénomène, c’est encore et toujours le courage, la justesse et le bon sens qui doivent prévaloir face aux polémiques artificielles, mais aussi les héros vers lesquels notre société doit tendre. La figure du Christ prévaut sur celle de Judas comme celle de Léonidas sur Ephialtès, le traître des Thermopyles. Tous ces modèles sont éternels. N’apprenons-nous pas à nos enfants qu’il est bas de dénoncer leurs camarades, aujourd’hui comme hier (1) ? Malgré la récurrence des condamnations médiatiques, juridiques et politiques, la réhabilitation du dénonciateur et du traître n’est qu’une parenthèse de notre Histoire qui ne résistera définitivement pas aux permanences.
Cyril Raul
(1) « Dénoncer son voisin : 80 lignes ». Dans ce barème des punitions datant de 75 ans, c’est bien cette règle qui donne à toutes les autres une dimension supérieure.