En réaction à la déclaration d’Éric Zemmour qui souhaitait créer un ministère de la Remigration, Marine Le Pen, lors de son passage à La France dans les yeux (BFM TV), annonçait son refus d’intégrer la remigration à son programme, jugeant celle-ci « antirépublicaine » et « profondément injuste ». Après l’abandon de la suppression de la double nationalité de son programme, cette sortie est une nouvelle illustration de la dilution du Rassemblement national sur la question identitaire. L’heure est venue de dresser un premier bilan sur la stratégie de « dédiabolisation » du Rassemblement national.
De la dédiabolisation à la dénationalisation
On associe souvent Marine Le Pen au processus de dédiabolisation de son parti. Cette stratégie était fondée sur une observation simple et pertinente : après 40 ans de leadership du Front national, l’impossibilité pour Jean-Marie Le Pen d’arriver au pouvoir ne s’expliquait pas par les fondamentaux idéologiques du parti (lutte contre l’immigration, promotion de l’identité française, opposition frontale à la gauche socialo-communiste, antifiscalisme), mais par les frasques médiatiques de son chef ainsi que par sa gestion excessivement personnelle du pouvoir au sein du Front national. La dédiabolisation consistait ainsi à mettre un terme aux dérapages des « bons mots » tout en conservant les bases de la « marque » Front national, dont la lutte contre l’invasion migratoire était au premier plan. Il s’agissait de gagner en crédibilité afin de devenir le premier parti de l’opposition nationale et, à terme, un parti apte à prendre et à exercer le pouvoir. Jusque-là, tout allait bien. Malheureusement, les altérations (nécessaires) sur la forme se sont accompagnées d’altérations (néfastes) sur le fond du programme. Oscillant entre un populisme de droite finalement très modéré, un souverainisme intégral et une sorte de parti attrape-tout « ni de gauche ni de droite » tentant le grand écart entre Mélenchon et les électeurs frontistes historiques, la ligne politique du RN est devenue confuse et diluée. Certes, elle a gagné en respectabilité ; au cours de cette campagne, elle n’a subi quasiment aucune attaque médiatique. Cependant, on peut douter de la viabilité d’une stratégie floue pour le long terme.
Le pseudo-populisme, la nouvelle impasse
En déclarant son opposition à la remigration, seule politique capable de sortir l’ornière identitaire, Marine Le Pen vient grossir les rangs de la droite pseudo-populiste, et dont l’un des représentants les plus éminents est sans conteste Robert Ménard. Leur point commun, c’est de fonder leur légitimité politique sur un créneau hostile à l’immigration et au Grand Remplacement, tout en poussant régulièrement des cris d’orfraie dès que les choses deviennent sérieuses. L’ancien journaliste trotskyste devenu maire de Béziers incarne ce positionnement à la caricature : élu pour inverser la dégradation identitaire terrible de sa ville, défigurée depuis des décennies par l’immigration sauvage, il ne cesse pourtant de fustiger dans ses interventions médiatiques les propos d’Éric Zemmour, selon lui excessivement radicaux et provocateurs, alors même que seule une politique audacieuse et sans complexe de remigration permettrait d’éviter que des milliers de Béziers ne fleurissent sur le territoire.
Cela démontre une chose : le positionnement pseudo-populiste est devenu une niche rentable politiquement. Il est désormais tout à fait possible de vivre de la rente du sentiment d’opposition à l’immigration, sans pour autant avoir à assumer de vraies transgressions politiques. On peut voir cette évolution de deux façons : d’un côté, ce changement est positif, puisqu’il signifie que l’opinion et le personnel politique ont fait un pas dans la direction de l’opposition à l’invasion migratoire. De l’autre, cela envoie le signal aux lâches et aux opportunistes qu’un nouveau territoire politique est exploitable.
Si la vraie droite compte un jour prendre le pouvoir, elle ne fera pas l’économie d’une véritable révolution intérieure, qui se traduira par une volonté et une capacité à transgresser les tabous de l’époque, ainsi que par la revendication d’une clarté politique cristalline. Le temps n’est plus aux calculs de boutiquiers ou aux demi-déclarations, mais à la formulation d’une vision claire pour l’avenir.
Clément Martin