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Le domaine de la culture est sans doute l’un des plus visibles dans l’étude de l’accélération de la mondialisation depuis la deuxième moitié du XXème siècle. En effet, avant ce mouvement de fond, le multiculturalisme de masse était impensable. D’après l’UNESCO, « dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. »  Dans ce sens anthropologique, il s’agit donc d’un large éventail de pratiques quotidiennes, communes, dont le noyau initial ne peut être que local. Ces « traits distinctifs » déterminent un groupe humain donné. Dans une société où l’enracinement est la norme, la manière de vivre détermine l’appartenance, entre « Nous » et les « Autres ».

Aujourd’hui, nous vivons dans un monde de pratiques culturelles métissées, notamment dans les pays industrialisés. La globalisation est au cœur de toutes nos pratiques culturelles. La planète est inondée de cinéma américain, de musiques house ou r’n’b calibrées pour fonctionner sur le plus large public possible, de bâtiments réalisés par des architectes renommés sans tenir compte des traditions locales en terme de bâti ou des contraintes géographiques,  de multinationales de prêt-à-porter uniformisant l’habillement partout dans le monde. À croire que ce mouvement de fond a pour essence une utopie simple : que le Londonien ou le Californien se sente chez lui partout, à Singapour, comme à Sao Paolo ou Paris. Le fameux « citoyen du monde », figure tutélaire des chantres du multiculturalisme.

Évidemment, prendre connaissance des autres cultures est un comportement sain. Sous réserve que la culture d’origine soit connue a minima, respectée et incarnée. Tout le problème se situe là. Les jeunes Français n’ont que peu de notions des traditions de leurs régions, de la façon dont vivaient leurs ancêtres. Il s’agit d’une conséquence visible de l’uniformisation entamée sous la IIIème République par  l’Éducation nationale, usine à citoyen égalitaire, mais aussi d’un grave manque de transmission au sein des familles. Il y a un siècle, le travail de sape dans les écoles consistait à transformer des basques, des bretons, des provençaux en bons Français, tous identiques. Aujourd’hui, il s’agit de transformer ces jeunes en bons citoyens du monde, un peu de partout mais rattachés à nulle part.

L’opinion publique s’alarme souvent de voir des jeunes issus de tribus africaines en plein mouvement d’américanisation. Pour autant, en Europe occidentale, personne ne s’en offusque. La destruction des racines relève pourtant d’un même processus. En France, au Congo ou en Nouvelle-Guinée. La nature ayant horreur du vide, pour contrer le développement de pratiques culturelles venues d’ailleurs, il est nécessaire de créer. Créer avec une logique enracinée.

En prérogative, il est pertinent de rappeler que le fond culturel d’un peuple ne s’est pas arrêté de s’enrichir à une date précise. Dans les milieux conservateurs il est souvent de bon ton de ne considérer que l’art dit « classique » et de mettre de côté, par exemple, les avant-gardes du XXème siècle. Renier l’importance du futurisme ou du surréalisme dans la construction mentale de l’homme post-moderne d’Europe occidentale est ainsi une erreur. Pour que l’identité des peuples d’Europe perdure dans le contexte de l’uniformisation du monde dû à la globalisation, il faut considérer cette identité dans la totalité du passé et du présent, avec toujours en point de mire le futur, sans discontinuité.

Ainsi, le seul moyen de faire perdurer une culture précise est la création. Vouloir sans cesse apporter de nouvelles pierres à un édifice pluriséculaire. La nostalgie, qui figerait une culture dans le passé, n’est pas une fin en soi, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une question de survie.  L’identité n’est pas figée, elle se doit d’être vivante, d’être incarnée dans le présent. Pour se faire elle se nourrit de la créativité de ceux qui l’incarnent. Créer autour de son identité est alors une nécessité. La création artistique enracinée se doit ainsi d’être permanente et les champs d’action sont vastes :   littérature, BD, cinéma, musique, photographie, tatouage, peinture, sculpture, street art, etc. Ce mouvement de fond de création doit, dans l’idéal, être accompagné par une logique de soutien financier de la part des collectivités locales ainsi que de promotion tout azimut. Plutôt Notre production artistique que celle des Autres.

L‘archéofuturisme, concept porté par Guillaume Faye dans un ouvrage publié en 1998,  peut être une voie.  L’éventail de possibilités associant Passé et Avenir, Mémoire et Nouveauté est suffisamment large pour que le plus grand nombre d’artistes puisse apporter sa pierre à l’édifice. En matière de créativité musicale, les exemples  ne manquent pas. Par exemple, Dropkick Murphys, des américains originaires d’Irlande, dans un genre punk rock aux sonorités celtiques, Lou Dalfin, groupe italien occitan, ou les bretons de Tri Yann qui pratiquent du folk accessible à toutes les oreilles. Se rattacher à une culture musicale locale peut résider dans l’utilisation d’instruments traditionnels – comme la cornemuse, la bombarde, diverses formes de flûtes, de guitares – dans l’emploi de mélodies intemporelles que fredonnaient nos grands-parents, ou encore dans la reprise de chants populaires en langue régionale.

Sans pour autant faire forcément référence à l’histoire locale ou à des marqueurs culturels traditionnels, l’évocation ancrée dans le présent, de sa région, de ces habitants, de ces paysages, suffit à relocaliser l’expression artistique. Avec pour leitmotiv constant, la « révolution de la proximité », vouloir s’intéresser à ce qui nous entoure et à ceux qui vivent autour de nous.  Nous appelons de nos vœux la prolifération de toiles de paysages provençaux, de photographies des littoraux bretons, d’œuvres de street art évoquant les particularismes des quartiers parisiens, de documentaires sur l’artisanat auvergnat, etc… Pour résumer, créativité et audace au service de son identité.

Au-delà de la création comme arme du combat culturel, il est évident que le processus de création doit aussi être au cœur du combat politique. Ce processus de création est multiple, il n’est pas restreint aux domaines purement artistiques. Pour porter nos idées vers notre peuple, il est primordial de créer du contenu politique. Textes de combat, visuels dénonciateurs, vidéos, slogans, actions d’agit-prop, campagnes politiques… Tous ces domaines ont besoin de savoir-faire, de créativité, de nouveautés.

Vivre sur la terre de ses ancêtres est une chance en ces temps de mondialisation acharnée. Y vivre de manière enracinée est une nécessité. Cette vision du monde que nous savons juste, n’est pas l’apanage unique des militants identitaires. Elle est vécue au quotidien par un grand nombre d’Européens, souvent sans en avoir véritablement conscience. Nous devons être des « passeurs de flambeaux », transmettre notre plus longue mémoire, conscientiser les esprits, créer. Comme tous nos ancêtres avant nous. Cette thématique de la culture enracinée est profondément politique, elle ne doit pas être considérée comme annexe ou superflue. Lutter contre la globalisation des pratiques culturelles, c’est lutter pour la démondialisation et la défense de la polyphonie du monde. Après tout, Antonio Gramsci- le théoricien du combat culturel au début du XXème siècle- n’était pas simplement professeur des écoles, mais secrétaire général du Parti Communiste Italien. Défendre nos particularismes culturels, sans cesse les pérenniser par la création et l’incarnation dans le présent, c’est se battre pour l’Identité, de nos régions, de nos nations, de l’Europe.

Guillaume Vingtras