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Tous les ans, le cirque se répète : la mémoire de l’Algérie française envahit la conscience nationale. Que l’épopée coloniale soit regrettée ou mise au ban, elle révèle le blocage culturel qui fait que, 60 ans après son indépendance, l’Algérie n’a jamais été aussi présente en France, tant dans nos rues que dans nos esprits.

La concurrence des mémoires algériennes

Pour la gauche, l’histoire de l’Algérie est un outil de propagande ultra-efficace (dont Benjamin Stora est le porte-parole par excellence) qui permet de mobiliser le ressentiment du peuple algérien ainsi que l’ethnomasochisme des Européens pour faire progresser leur agenda politique. La colonisation de l’Algérie est ainsi placée au rang des tragédies causées par l’Europe, telles que l’esclavage, Vichy ou des génocides et guerres diverses. Le plan est limpide : mettre en avant les portions de l’histoire qui révèleraient véritablement le fond de la morale européenne, c’est-à-dire une civilisation intrinsèquement barbare et cruelle, afin de justifier son humiliation et son pillage aux mains des descendants des « damnés de la terre ». Après tout, que sont la rapine quotidienne, les attaques au couteau et la transformation de quartiers entiers en plateformes de la drogue à côté de la bataille d’Alger, durant laquelle l’armée a torturé des poseurs de bombes ?

Pour la droite, la mémoire algérienne est marquée du sceau de la nostalgie, comme l’a révélée l’allocution récente du doyen RN de l’Assemblée nationale[1] : elle est tout entière habitée par le deuil des Pieds-noirs, expulsés après 130 ans à bâtir un avant-poste de l’Europe sur une terra nullius. Certains Français d’Algérie regrettent non seulement ce qui fut leur patrie mais aussi la « mission civilisatrice » de la France. Chez eux, le volontarisme de la France, celui des routes, des écoles et des hôpitaux, est la preuve de la générosité sans égale du peuple de France, injustement pris pour cible par le ressentiment et la haine des immigrés algériens. Placés, de par leur expulsion (« la valise ou le cercueil »), en première ligne pour constater l’impossibilité du multiculturalisme, les nostalgiques de l’Algérie française sont des messagers précieux pour comprendre l’avenir proche.

De la mémoire comme instrument de blocage et de soumission

Les débats publics en France sont historiquement surchargés : le calendrier de l’année se résume peu ou prou à celui de célébrations ou de commémorations historiques. Ces épisodes, plus ou moins distants dans le temps et plus ou moins adaptés pour comprendre l’époque, font l’objet de références permanentes. À tel point qu’il est quasiment impensable d’imaginer un débat politique qui ne ferait pas la part belle aux parallèles historiques. Bien entendu, la récupération politique de la mémoire n’est ni neutre ni équilibrée : c’est bien la gauche qui a un quasi-monopole dessus.

Cette invasion complète de la mémoire entraîne des conséquences politiques bien réelles : lorsque le sujet de l’identité (et ses corollaires – immigration, insécurité…) est abordé, le détour par la référence à l’Algérie française est mécanique. Le discours de gauche, explicitement ou implicitement, se sert de la colonisation comme un outil de chantage à la soumission au multiculturalisme. Le crime suprême de la colonisation ferait bien pâle figure face aux quelques actes d’ultraviolence gratuite qui gangrènent les rues de la métropole, commis par les descendants de l’immigration algérienne. Et vu qu’il est impossible de changer le passé, le dispositif est inépuisable. L’expiation sans promesse de rédemption, c’est la garantie de voir la France se transformer en bidonville pour les prochains millénaires.

Bien entendu, la droite molle, tenue en laisse par les diktats culturels de la gauche, valide le discours de cette dernière (de façon plus modérée, mais le résultat est le même) participe de la même logique.

Il y a cependant un espoir dans cette lutte mémorielle :  les descendants des colons. Ceux-ci sont placés mieux que quiconque pour comprendre à quoi ressemble la fracture ethnique, la résurgence de l’islamisme et la normalisation du discours antiblanc. Mâtinée de nostalgie, leur analyse a parfois tendance à voir dans la décolonisation moins le tout début d’une nouvelle ère entre les civilisations, caractérisée par le retour de l’ « ethno-politique » évoquée par Guillaume Faye que le dernier chapitre de la grandeur nationale de la France. Les deux analyses doivent se compléter pour comprendre la signification de la décolonisation dans notre passé. Mais en réalité, la mémoire de l’Algérie permet surtout de comprendre quels sont les enjeux et les tendances du temps présent : l’histoire de la décolonisation, c’est celle d’un divorce non consommé, d’un État autiste et incapable de comprendre que l’époque a changé, et d’un peuple laissé à l’abandon. Les rimes avec la situation actuelle sont omniprésentes autant qu’elles sont évidentes.

La droite répète souvent qu’il est nécessaire d’étudier l’histoire pour éviter de refaire les erreurs du passé. Le cas de l’Algérie française illustre ce principe plus que n’importe quelle autre période de l’histoire : la période des troubles a commencé depuis un bon moment dans la France multiculturelle de 2022. Il y a fort à parier qu’elle va de plus en plus ressembler à la situation de l’Algérie coloniale. Parce que nous avons le luxe de connaître un précédent historique, nous avons le devoir de ne pas laisser notre identité se faire bafouer une seconde fois.

Clément Martin

[1] https://www.leparisien.fr/politique/assemblee-les-propos-du-doyen-rn-sur-lalgerie-francaise-et-loas-agitent-lhemicycle-28-06-2022-SH3Z25EILJDRHISFHPG5NGDP4Y.php

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