Événement majeur dans le monde des idées: aujourd’hui, une tribune « Non au séparatisme islamiste » et signée par 100 intellectuels, est parue dans le Figaro et a été annoncée en une. Cet événement scelle un peu plus l’alliance entre des figures de la droite anti-islamisation (Rioufol, Elisabeth Lévy, Chantal Delsol…) et de la gauche Vallsiste (Céline Pina, Brice Couturier, Fatiha Boudjahlat, etc).
Au-delà du contenu de ce texte (largement perfectible et critiquable à certains égards), sa dimension politique et idéologique constitue un événement fondateur.
Le rapprochement d’une certaine droite et d’une partie de la gauche – qui participe d’un mouvement général de déplacement de l’axe vers la droite, la tribune étant tout de même parue dans le Figaro et non dans Libération… – sur la question de la lutte contre l’islamisme est un lent processus né en dehors des partis, enfermés dans les logiques partisanes. Reprenons-en l’historique dans l’essentiel.
Des premiers contacts ont eu lieu autour des éditions Ring, qui publient autant Laurent Obertone (dont le dernier livre est une fiction autour d’un scénario de guerre civile en France sur une base ethnico-religieuse) que Zineb El Rhazoui, ancienne journaliste à Charlie Hebdo et Présidente du jury du prix de la laïcité en 2015.
Une autre étape se passe quand Alexandre Devecchio, journaliste ayant commencé sa carrière au Bondy Blog avant d’évoluer progressivement (notamment grâce à la question de l’islamisme) jusqu’à devenir membre de la direction du Figaro Vox. Pierre angulaire du rapprochement de ces mouvances évoluant au départ dans des mondes séparés, il a récemment fondé un nouveau journal, au titre évocateur « Recomposition ». Le rédacteur en chef n’est autre que Mathieu Bock-Côté, l’intellectuel faisant probablement la critique la plus fine du multiculturalisme (cf son livre « Le multiculturalisme comme religion politique »), tandis qu’on trouve parmi les plumes contribuant à ce magazine Laurent Bouvet (fondateur du mouvement du « Printemps Républicain », dont l’objectif est de peser à gauche sur la question de la lutte contre l’islamisme) ou Brice Couturier (journaliste, signataire du manifeste fondateur du Printemps Républicain). Le magazine Causeur incarnait également cette nouvelle hybridation idéologique avec Elisabeth Lévy à sa tête et Marc Cohen, membre fondateur du Printemps Républicain en rédacteur en chef.
Après un rapprochement né dans le domaine de l’édition, puis du journalisme, (la fracture à gauche entre la « gauche Charlie » et la « gauche Médiapart » accélérant sans doute le processus), ces personnalités sont maintenant manifestement capables de se mettre autour de la table et de produire un texte idéologique commun. L’alliance est hétéroclite : on y retrouve certes des intellectuels ou journalistes de droite et de gauche, mais également des apostats de l’islam comme l’écrivain Walled al-Husseini (édité également aux Editions Ring), Mohammed Louizi, auteur du livre « Pourquoi j’ai quitté les Frères Musulmans », David Vallat, ex djihadiste repenti, ou bien dans un autre registre Antoine Spire, vice-président de la LICRA, Maxime Tandonnet ex conseiller de Nicolas Sarkozy sur l’immigration ou le philosophe Rémi Brague. À noter également la présence parmi les signataires de Bernard de la Villardière.
On peut être critique sur la synthèse idéologique qui en ressort. Elle a néanmoins le mérite d’exister, de participer à fracturer la gauche et de faire reculer le poids du politiquement correct. Et malgré ce qu’on peut – légitimement – penser de certains signataires de la tribune, le fait est que la réunion de profils aussi disparates ne peut pas laisser indifférent. Davantage que l’union des droites, la clef pour constituer une majorité électorale ne serait-elle pas à chercher au-delà, et notamment dans le rassemblement de tous les opposants à l’islamisme ?
Sébastien Froment