La grosse artillerie avait été déployée : les médias « mainstream », Wall Street, Hollywood, le pape, le Parti démocrate et même les caciques du Parti républicain. Pourtant, Donald Trump a remporté l’élection présidentielle américaine, et ce en employant beaucoup moins d’argent qu’Hillary Clinton dans sa campagne électorale. Si la performance du candidat est remarquable, elle n’est pourtant pas la raison principale de sa victoire.
L’Amérique n’a pas envie de changer de visage
Certains Américains ont sincèrement voté Obama en espérant solder le lourd héritage de l’esclavage, pour mettre fin définitivement à la culpabilisation systématique dont ils étaient victimes. C’est l’inverse qui s’est produit, puisqu’elle s’est accélérée avec le mouvement Black Live Matters et les revendications toujours plus pressantes des minorités. Ils ont compris qu’ils seraient éternellement considérés comme coupables et redevables.
À cela s’ajoute l’immigration massive non-européenne, et en particulier celle d’Amérique latine, qui pourrait dans quelques décennies faire de la population d’origine européenne une minorité aux États-Unis. Ce bouleversement démographique et l’agressivité communautaire ont apeuré et finalement énervé une Amérique qui en a assez de subir en silence. Ce n’est donc pas un hasard si le candidat Trump a pris la tête des sondages après ses déclarations fracassantes sur l’immigration mexicaine et musulmane. Il s’agit même de la raison principale et du point de départ du mouvement de fond qui l’a porté au pouvoir.
Une demande de protectionnisme
L’Amérique industrieuse, celle qui se lève tôt, celle des cols bleus n’a pas pardonné à ses élites politiques et économiques de l’avoir passé par pertes et profits au nom du libre-échange et des marges ainsi générées, dont elle n’a pas vu la couleur. Les états industriels comme le Michigan ont été dévastés par les innombrables délocalisations des industries qui ont fait sa prospérité dans le passé. Les centre-ville y sont en ruines et ravagés par une criminalité meurtrière dont on peine à concevoir la brutalité et l’ampleur en Europe.
L’insupportable domination de la génération 68
Les colères et les peurs de l’Amérique profonde ont été ridiculisées et ignorées par les médias, il n’y en avait que pour les autres. Même si elle souffrait, elle n’avait pas le droit de se plaindre. Le système de valeur imposé par la génération 68 dominait jusqu’à présent tous les rouages du pouvoir. Il a été vécu comme une entité hostile et quasi-dictatoriale, les Américains ont décidé qu’il fallait y mettre fin.
Les néoconservateurs en échec
L’agressivité d’Hillary Clinton envers la Russie, irrationnelle quand on la compare avec sa mansuétude pour le Qatar et l’Arabie saoudite, n’a d’égale que la bêtise des faucons de l’administration Bush qui ont cru pouvoir exporter la démocratie libérale au Moyen-Orient. Les Américains ont semble-t-il bien compris que le messianisme néoconservateur était voué à l’échec, produisait du désordre et était une ruine pour les finances publiques. L’apaisement probable des relations avec la Russie et le réalisme isolationniste dont Donald Trump semble vouloir faire le cœur de sa politique extérieure est une bonne nouvelle pour l’Europe.
Samuel Huntington avait raison
Très loin des élucubrations de Francis Fukuyama, qui voyait triompher la démocratie libérale à l’américaine dans le monde entier après la défaite du communisme, ce sont les prédictions de Samuel Hungtinton qui semblent se réaliser. Toutes les grandes puissances mondiales sont aujourd’hui dirigées par des populistes et même des nationalistes. Au Japon Shinzō Abe, en Russie Vladimir Poutine, en Inde Narenda Modi, en Chine Xi Jinping et dans une certaine mesure Theresa May au Royaume-Uni. À cette liste déjà très fournie, il faut aujourd’hui ajouter Donald Trump. Désormais, ce n’est plus l’idéologie ou le marché qui est la valeur dominante, le bien du pays et l’identité passent maintenant en priorité. Le mouvement est même en train de s’étendre à l’Europe avec le succès du Front National en France, de l’AFD en Allemagne, de l’UDC en Suisse, du FPÖ en Autriche, de Victor Orbán en Hongrie, etc. mais aussi par les succès et le développement rapide du mouvement identitaire. Les années qui viennent nous diront si l’Europe suivra le même chemin que les grands de ce monde ou si elle deviendra le terrain de jeu de ceux qui n’ont pas renoncé à la puissance et à l’identité.
Que faut-il attendre de Donald Trump ?
Même si le Sénat et la Chambre des représentants sont en majorité républicains, il n’est pas dit qu’ils suivent le nouveau président dans toutes ses réformes. Malgré tout, cela n’est pas décisif pour le futur, il faut surtout retenir que la victoire de Trump a symboliquement fait sauter des verrous psychologiques majeurs et prépare le terrain à d’autres réactions du même acabit en Europe.
Dans tous les cas, le nouveau président américain ne sauvera pas l’Europe, son isolationnisme s’il se confirme peut en revanche offrir l’espace suffisant pour que le Vieux Continent retrouve son indépendance et les outils pour défendre son identité. Cela dépendra de la volonté et du travail de ceux qui ont à cœur de protéger les leurs et leur civilisation.
Jean-David Cattin