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L’Empire ottoman a occupé la Grèce pendant près de quatre siècles. Quatre siècles de domination brutale. Elle se traduisait notamment par l’enlèvement des garçons grecs pour en faire des janissaires. Forcés de se convertir à l’islam, ils étaient les soldats-esclaves du sultan. À cela s’ajoutaient des impôts insupportables et des humiliations innombrables.

Durant cette période obscure, on a vu des Grecs combattre à chaque occasion les occupants. Dès la célèbre bataille de Lépante en 1571, des Grecs étaient présents aux côtés de la Sainte-Ligue. À cette insoumission, les Turcs répondirent par de nombreux massacres. Pour les Grecs, la reconquête demeura longtemps un rêve inaccessible tant l’Empire ottoman semblait puissant. En 1683, les Turcs mettaient même le siège devant Vienne, au cœur de l’Europe.

Ce n’est qu’au début du XIXème siècle que ce rêve devint enfin réalisable. La Russie, notamment, portait des coups rudes aux Ottomans en remportant guerre après guerre. En 1821, la guerre d’indépendance éclate enfin. Encore une fois, les Turcs répondirent par des massacres. Ils allèrent même jusqu’à pendre le patriarche orthodoxe de Constantinople, Grégoire V, et jeter son corps dans le Bosphore.

Naissance du philhellénisme

Suite aux exactions turques sur l’île de Chios, Victor Hugo écrivit le bouleversant poème L’Enfant. Eugène Delacroix exposa sa Scène des massacres de Chios au Salon de 1824. Lord Byron, un des plus grands poètes de langue anglaise, se rendit en Grèce soutenir militairement les insurgés. Accueilli comme le messie, il y trouvera la mort, emporté par la fièvre des marais.

La Sortie de Missolonghi
La Sortie de Missolonghi, par Theodoros P. Vryzakis.

Un des épisodes les plus marquants de la guerre se produisit lors du quatrième siège de Missolonghi. Assiégés et sans espoir de secours, les défenseurs grecs et la population de la ville se résolurent à une sortie. Sur les 7 000 qui chargèrent les forces turques, seuls 1 800 parvinrent à s’enfuir. Les autres furent massacrés. 3 000 têtes furent exposées sur les remparts de la ville. Les derniers Grecs présents de la ville se firent exploser dans la poudrière plutôt que de se rendre.

Impressionnées par l’héroïsme des Grecs, les opinions publiques française, britannique et russe s’enflammèrent pour leur cause. Châteaubriand, partisan comme Victor Hugo d’une intervention militaire en Grèce, immortalisa le sentiment général :

« Missolonghi, presque sans fortifications, repoussant les barbares entrés deux fois jusque dans ses murs ».

« On aime encore à espérer que Missolonghi n’aura pas succombé, que ses habitants, par un nouveau prodige de courage, auront donné le temps à la chrétienté enfin éclairée de venir à leur secours. Mais s’il en était autrement, chrétiens héroïques, s’il était vrai que, près d’expirer, vous nous eussiez chargés du soin de votre mémoire, si notre nom avait obtenu l’honneur d’être au nombre des derniers mots que vous avez prononcés, que pourrions-nous faire pour nous montrer digne d’exécuter le testament de votre gloire ? Que sont à tant de hauts faits, à tant d’adversités, d’inutiles discours ? Une seule épée tirée dans une cause si sainte aurait mieux valu que toutes les harangues de la terre. »

Les puissances européennes interviennent enfin

En 1827, la France, le Royaume-Uni et la Russie signèrent le traité de Londres. Ils y reconnurent l’autonomie de la Grèce. Ils dépêchèrent une flotte pour convaincre le sultan d’en accepter les termes. Lors d’une manœuvre destinée à impressionner la flotte turco-égyptienne dans la baie de Navarin, des navires de la coalition furent la cible des Ottomans. La bataille éclata, la flotte européenne écrasa en deux heures la flotte musulmane.

Une fois la flotte détruite, il fallait encore nettoyer tout le Péloponnèse, appelé Morée, des troupes turco-égyptienne qui s’y trouvaient encore. Charles X, déjà proche de la cause grecque, fut convaincu par une opinion publique fortement philhellène. L’année suivante, il décida l’envoi d’un corps expéditionnaire. La France n’avait pas d’intérêt stratégique particulier à défendre. L’atmosphère était tout simplement à la croisade. Il fallait délivrer des frères chrétiens du joug musulman. Il fallait libérer le berceau de la civilisation européenne de la barbarie ottomane.

Les opérations militaires furent expédiées assez rapidement. Les Turcs ne voulaient pas céder devant les Grecs. Ils estimaient par contre qu’il n’y avait aucun déshonneur à le faire devant les Français auréolés de gloire napoléonienne. Quelques coups de canons plus tard, la Morée était libre de soldats turcs. La Grèce pouvait dès lors devenir indépendante.

L’Europe de ce temps-là aspirait à la paix, fatiguée par les troubles révolutionnaires et les guerres napoléoniennes. Metternich, le puissant chancelier autrichien s’employait à faire respecter l’équilibre des puissances. Soutenir une rébellion allait donc à l’encontre de l’aspiration générale à la stabilité. L’expédition de Morée fut un éclair dans la torpeur. La conscience européenne transcenda les clivages partisans. Ce fut la dernière croisade française.

Jean-David Cattin

Illustration : Le Général Maison reçoit la reddition de Château de Morée. 1828. Expédition française en Morée (1828-1833).
Jean-Charles Langlois (1789-1870) — Collections du château de Versailles

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