L’Europe n’est ni une construction technocratique, ni un ensemble de « valeurs » dont on ne sait plus trop ce qu’elles veulent dire. L’Europe est une réalité tangible, qui vit à travers nous et que nous devons transmettre.
Europe dans la mythologie grecque est une déesse « aux grands yeux », « qui voit loin », qui vit en Asie Mineure. Enlevée par Zeus, tombé amoureux de cette déesse, elle est installée par le Dieu suprême en Crète. Dès l’origine, cette déesse au regard lointain peut symboliser cette envie caractéristique des Européens, d’aller toujours plus loin, de découvrir, de se projeter. C’est un des premiers éléments de l’identité européenne. Postée aux frontières de l’Europe, au contact des civilisations d’Asie Mineure, elle porte son regard à l’extérieur, elle veut découvrir et comprendre ce que sont les autres, pour mieux se définir elle-même. Cette constante européenne qui poussera les Vikings, les Magellan, les Christophe Collomb à partir à l’aventure sur leurs navires.
Cette déesse, depuis la Crête, borne l’Europe : sa frontière orientale sera le Bosphore, limite naturelle entre l’Europe et l’Asie.
Les Grecs et leurs cités se trouvent aux avant-postes de l’Europe. C’est ainsi que nait le premier sentiment d’appartenance à une même civilisation, quand les Perses veulent soumettre les hommes libres que sont les Grecs.
Après avoir essaimé tout autour de la Méditerranée, la Grèce a peu à peu décliné. Le flambeau de la grandeur européenne a alors été récupéré par la Rome antique. Les Romains considéraient d’ailleurs qu’Enée était le père fondateur de leur civilisation, dont descendent Remus et Romulus. Enée était un Grec, de la cité de Troie, qui avait fui le pillage de sa ville par Ulysse et ses alliés.
La continuité légendaire traduit une continuité historique, puisque la philosophie, la littérature, la mythologie romaine sont issues directement des Grecs. L’architecture, les sciences, la construction de la société, la démocratie ont été perpétuées par les Romains. L’Empire romain s’est –déjà !- effondré sous les coups d’un cosmopolitisme galopant, avec des non-Européens parvenant aux plus hautes responsabilités.
Après les invasions des barbares venus d’Asie, l’Europe ensuite se reconstruit sur l’idée de la Chrétienté, qui réunit tous ses peuples. Les églises se dressent vers le ciel et les universités se développent. Une nouvelle ère en commun s’ouvre. Le temps des Cathédrales et de la Chrétienté triomphante.
Depuis le Moyen-Âge, l’Europe entière est traversée des mêmes mouvements philosophiques et politiques : l’Humanisme, le rationalisme, les Lumières, l’affirmation des Nations depuis le XVIIIème siècle. Cette continuité historique partagée plonge ses sources dans les racines ancestrales. Au cœur des esprits européens persiste ce désir de vivre en hommes libres. Ce n’est pas un hasard si les Européens ont inventé la Démocratie. Ce sont là les expressions d’une communauté de vue, d’esprit, de philosophie. Cette communauté existe, et elle s’est surtout construite face aux autres, face à l’altérité.
La première mention du terme « Européens » date d’un texte de 754. Il faisait référence à une bataille devenue fondatrice : la bataille de Poitiers, où les soldats de Charles Martel arrêtèrent l’invasion arabe. Européen désigne alors l’union des Germains (Francs, Saxons, Lombards) qui ont tenu tête à l’envahisseur. Cette bataille fondatrice est différente des nombreuses guerres européennes qui se déroulaient déjà et qui se dérouleront encore après : il s’agit d’une guerre pour la survie d’une civilisation, qu’un ennemi en tout point étranger veut abattre.
A cette époque, la Chrétienté européenne commence à se confondre avec l’idée d’Europe. L’Europe est habitée par des peuples cousins, qui n’ont pas vocation à se détruire. Quand des Européens envahissent une province voisine, ils ne vont pas détruire la culture locale : ils ne vont pas raser les cathédrales existantes, puisque tous prient à l’intérieur. Quelques siècles avant, les Romains n’ont pas exterminé les peuples de la Gaule. Les Gaulois ont épousé les mœurs romaines parce qu’ils en sont proches. Les gaulois ont su s’adapter, s’assimiler, à Rome, parce que ce sont des cousins. On parlera même de gallo-romains. On n’a jamais parlé de hispano-arabiques ou de serbo-ottomans.
Les Perses dans l’Antiquité, les Arabes au début du Moyen-Âge, les Ottomans quelques siècles après. Ces affrontements ont fondé l’idée d’Europe.
L’Empire Ottoman a étendu ses bras sur l’Europe, occupant les Balkans pendant 400 ans. S’ensuivirent des siècles des guerres entre les monarchies européennes et l’Empire ottoman. A chaque fois, les Européens sont parvenus à mettre en déroute les envahisseurs asiatiques, aux portes de Vienne en 1529, où Espagnols, Autrichiens et Allemands formèrent une grande coalition contre les forces ottomanes. Puis en Méditerranée, par deux fois, les chevaliers chrétiens sont parvenus à battre les troupes musulmanes, largement supérieures en nombre à Malte et surtout à Lépante, en 1571, menée par ce héros européen qu’était Don Juan d’Autriche, commandant de la Sainte-Ligue. A chaque fois, ces guerriers furent célébrés comme des sauveurs de la chrétienté, des sauveurs de l’Europe contre ceux qui voulaient la détruire.
Quand un ennemi extérieur s’est fait trop menaçant, les Européens ont toujours su trouver les ressources en eux pour s’unir face au péril. Dusse le combat durer des siècles, comme dans les Balkans.
Un autre élément fondamental de l’homme Européen est constitué par la limite. L’âme européenne repose sur cette idée que le Monde est une harmonie qui, si elle est bouleversée, court à la catastrophe. La limite, c’est ce que nous enseigne le mythe fondateur de Prométhée, qui a volé le Feu aux Dieux pour le donner aux hommes : le Progrès pour le Progrès est une pulsion de mort. Il doit être limité par la morale, l’éthique, la tradition, la nature. Un socle indépassable qui détermine ce que l’on est, la voie que l’on doit suivre.
L’Europe se perd quand elle veut faire table rase du passé, quand elle oublie qu’elle est limitée par sa propre identité. Quand elle a voulu créer un homme nouveau, produit d’idéologies totalitaires. Quand elle veut imposer sa Civilisation à l’ensemble de la planète. Quand elle instaure un libéralisme absolu et illimité, qui détruit la Nature et, pire encore, qui détruit notre nature. L’Europe se perd quand elle se pense fondée uniquement sur des concepts, comme les Droits de l’Homme ou l’économie de marché. Quand elle fait citoyen tous ceux qui se reconnaissent dans ces valeurs, au mépris de 30 000 ans d’histoire et d’héritage. L’Europe, comme la France, n’est pas une idée. Toutes deux sont des réalités charnelles que chacun vit, fait vivre et a comme devoir impérieux de transmettre. L’Europe c’est une civilisation plurimillénaire, l’une des plus brillantes que la Terre ait portée. L’Europe est composée de peuples venus du fond des âges qui ont conquis le Monde, bâti des immeubles qui se perdent dans les nuages, voyagé dans l’Espace, créé des villes flottantes, produit les technologies les plus brillantes et les armes les plus terribles. Nous pouvons et nous devons tout assumer, du Parthénon au satellite Galileo.
De l’Empire Romain au Saint-Empire en passant par Charlemagne et Napoléon, la volonté d’unifier l’Europe est une constante historique. Elle a toujours existé et existera toujours. Parce que toujours des peuples frères voudront se rassembler pour être plus forts. Nous sommes des Européens et c’est notre devoir d’héritiers de protéger le génie de notre civilisation. En une phrase : nous avons le devoir de demeurer nous-mêmes. Nous avons le devoir de faire respecter à nouveau ce mot si beau qu’est l’Europe. Nous avons le devoir de faire comprendre à ceux qui vivent sur notre terre qu’elle n’est pas la leur. Que leurs ancêtres n’y sont pas enterrés depuis des millénaires. Que notre culture n’a pas à tolérer des coutumes qui nous sont étrangères. Que nous n’avons pas à faire de place aux autres, ni à nous plier à leurs revendications, animés qu’ils sont par la haine de notre culture et de notre histoire.
Il ne tient qu’à nous, peuples Européens, de retrouver la voie de notre grandeur. Pour que nous puissions vivre libres et respectés par les autres nations. Le premier pas est de retrouver notre mémoire, de renouer avec notre héritage, celui des philosophes d’Athènes et des guerriers de Sparte, des bâtisseurs de cathédrales et des peintres de la renaissance, des Hospitaliers protecteurs de l’Europe et des explorateurs du Monde. Redécouvrir notre héritage pour le transmettre à ceux qui vont nous succéder, passer ce flambeau qui maintient en vie l’âme européenne depuis des millénaires. Si nous ne le faisons pas, nous serons alors les derniers descendants d’une civilisation qui mourra avec nous. Transmettre, pour que notre civilisation survive.
Nicolas Dupré